Gaël Cadiou

Gaël Cadiou

Nebula 1
Nebula
 Après le silence 1
Post silence / Après le silence
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À durée indéterminée
 Statistiquement vôtre 1
Statistically yours / Statistiquement vôtre
Retour à la normale saisonnière 1
Retour à la normale saisonnière
TV space walk 1
TV space walk
Jogging eyes
Jogging eyes
In the garden 1
In the garden
THE-MOODY-NIGHT-THUMBNAIL
The Moody Night
The wall streets 1
The wall streets
One minute sex and crime (the dependency) 01:00 1
One minute sex and crime (the dependency)
Exercises for windows 1
Exercises for windows
Exercices pour les fenêtres 1
Exercices pour les fenêtres
TEXTE
FIGURES
NON STOP
D’EST EN OUEST, MOMENTS EN VRAC
GAULOISE BRUNE SANS FILTRE
J'AI TOUJOURS HABITÉ À CÔTÉ D'UNE ÉCOLE
WALKING LIKE GROUCHO

Les voisins, Juillet 2007 (The neighbors)

J’ai suivi un collectif d’associations se battant contre tous genre de discriminations, leur nom C76CD, basé dans mon ancien quartier du Havre en Normandie. Tous les étés, ils organisaient “Le picnic des couleurs et des différences”. Vous veniez partager votre propre repas et vous aviez accès à des informations et des débats grâce aux différentes associations présentes.

Mes excuses pour la mauvaise qualité, c’était un tout premier travail mais je l’aime tel quel.

I followed the group of associations fighting against discriminations, their name C76CD, based at my hold district in the city of Le Havre, Normandy. Every summer, they organize “the picnic of colors and differences”, you bring your food to share with others and you have access to a lot of informations from different associations.

Apologizes for the bad quality, it was a very early work but I like it this way

Depuis ces premiers contact avec mon entourage, j’ai cherché à orienter également ma pratique vers des réalités sociales et j’ai rencontré David Turecamo, Story teller à CBS NEWS pour qui j’ai filmé en deuxième caméra, fait des traductions entre le français et l’anglais, mené des interviews en français, trouvé des pitch et des résumés pour ses propres vidéos dans le cadre de “OUR MAN IN PARIS” passant à l’émission SUNDAY MORNING. Ce travail bénévole, m’a beaucoup appris plus spécifiquement à mettre en valeur la personne filmée et interviewée, avoir un œil empathique sans sentimentalisme et travailler sur le terrain avec du matériel léger.

Since those first contacts with people, I wanted to meet more social realities and I met David Turecamo, Story teller for CBS NEWS for whom I filmed as a second camera, translated between French and English, found pitches and summaries for his own videos related to “OUR MAN IN PARIS” broadcasted in the tv show “SUNDAY MORNING”. With this non benefit work I learned how to portray a person and interview her with an empathetic eye with sentimentalism and finally working with a very light technical material on the street.

J’ai donc décidé de complexifier ma pratique de l’image en y incluant une dimension sociale et politique. Voici un premier entretien exposant précisément cette pratique avec le photographe Yannick Vigouroux.

Sans titre

Sans titre
 
Pour une jeune blogueuse telle que Gaël Cadiou, le style d’une photographie ou d’une vidéo réside paradoxalement dans l’effacement de ses marques de style. Fortement influencée par l’écriture blanche en littérature et le cinéma underground américain, elle propose à l’internaute des séquences fixes et en mouvement qui forment une captivante « communauté d’images  », où chacun est encouragé à projeter sa propre expérience subjective…

Yannick Vigouroux  : A côté de ta pratique photographique, tu pratiques beaucoup la vidéo  ?

Gaël Cadiou  : Ma pratique photographique a évolué naturellement vers la vidéo et les réseaux sociaux. La photographie argentique serait devenue l’image révélée sous ses formes contemporaines. Conçue comme un espace mental, elle renferme l’imaginaire influencé de lectures, de voyages, de rues traversées, de films au cinéma et de télévision (expérience de lectrice et de spectatrice). Je suis comme toi fan de séries, j’aime beaucoup notamment Macgyver et Dr House, parce que ce sont deux héros de tv qui bossent dur pour comprendre les situations et trouver des solutions…

Ma pratique est en étoile : projections de vidéos, images numériques, images sur écran et photos argentiques montées en vidéo.

Pour obtenir cet espace de pensée, les sujets sont choisis comme des lieux communs, non spectaculaires, les lieux où chacun se reconnaît selon sa propre histoire.

Les images sont montrées sous forme d’installations dans l’espace d’une galerie, sur internet avec un blog et sous forme de publication avec le projet de ce premier livre.

Les images sont le révélateur de ce qui nous anime, une vue intérieure. On y projette sa propre histoire. Ici, pas besoin de récit. On y découvre sensations, émotions, dialogue passé/présent. C’est une narration visuelle que je monte chaque jour. Il n’y a pas de thèmes précis mais des présences capturées qui associées et montées ensemble font émerger des préoccupations et montrent une famille d’images traversées de projections et de rythmes : comme une communauté se formant, se dissolvant pour se re-former autrement, en perpétuel mouvement. Ce serait ça finalement le thème principal, enregistrer et capturer toute la complexité de ce qui fait une vie dans la communauté.

YV : Que penses-tu de ce qui a été nommé l’ « écriture blanche  » en littérature  ? Du « surbanalisme  » photographique cher à Bernard Plossu ?…

GC  : Je suis effectivement partisane de l’écriture blanche. George Perec et Emmanuel Hocquard ont été mes inspirations pour partir de l’idée que les lieux communs (les mots, les images) pouvaient faire l’objet de rythme.

J’aimais les expos photos mais il manquait un « jeu  » au niveau de la présentation c’est pourquoi j’ai articulé séquences vidéos et images imprimées, Robert Frank, Bernard Plossu (que j’ai eu comme intervenant à l’École des Beaux-Arts de Lorient), William Klein et William Eggleston sont les photographes qui ont influencé ma pratique de la photographie.

Comme eux, j’accorde une grande importance à la banalité des choses et des situations qui nous entourent.

 

Je ne savais pas que Bernard Plossu pratiquait comme moi la méditation, je viens de le lire :

http://www.galeriechateaudeau.org/wp/blog/1978/11/26/bernard-plossu/

L’instant décisif devient l’instant présent. La beauté est dans le présent.

Pour ma part je tiens à articuler également les influences du cinéma de Marguerite Duras sachant placer les mots, la lecture en rythme avec les séquences filmées, la caméra tableau d’Abbas Kiarostami où la durée des plans offre de l’instant présent ou encore le cinéaste hongrois Béla Tarr et les polaroids d’Andreï Tarkovski.

Je pourrais passer la journée à énumérer toutes les découvertes que j’ai faite dans mes recherches à travers ma pratique de la photo argentique, numérique et les séances d’interviews que j’ai faite pour David Turecamo, un ami storyteller à CBS NEWS.

Je considère ma pratique comme de l’enregistrement et de l’écriture visuelle basée sur le plus de spontanéité possible.

YV : Dans cette écriture blanche revendiquée si attachée à la banalité du sujet et des situations, comment identifier le style délibérément privé d’effets ?

GC : J’aime Alain Cavalier ou encore Van der Keuken. Je ne crois pas au documentaire comme objectivité à 100% et ces deux auteurs se laissent déborder par leurs histoires personnelles.

Ils ont un goût prononcé pour la narration visuelle, le mouvement, le banal et les choses qui nous entourent.

Même en analyse (un travail de prise de conscience de soi), à laquelle je me suis livrée plusieurs années, le psychanalyste n’est pas neutre alors l’expression humaine ne peut l’être dans une pratique artistique.

YV : Que penses-tu justement de la prétendue « neutralité  » du style documentaire ? As-tu été influencée par ce genre et par qui ?

GC  : Pour le style, je pense que les préoccupations récurrentes est un des éléments qui permet de reconnaître un style. Par exemples les bottes photographiées par Yannick Vigouroux (sourire)…

Georges Perec n’est pas Emmanuel Hocquard parce qu’il ne fait pas de traduction pour la poésie américaine et que Tanger n’est pas son enfance.

Perec décrit Paris et fait Un homme qui dort (1974), un film à Paris qui raconte le repli sur soi et sa dépression.

Une vidéo de Pippiloti Rist n’est pas une vidéo de Nam Jum Paik car ce dernier n’est pas féministe dans ses images.

Cela ne veut pas dire être autobiographique mais ça signifie savoir dire « je ». Qui n’aime pas Marcel Proust ? Qui n’aime pas Sunset Boulevard (1951) ?

J’ai fait des polaroids [du film Fuji Instax Mini] à Montmartre car je suis toujours à contre-courant. Sans faire exprès je fais spontanément ce que j’ai envie sans prêter attention à la lumière. Les erreurs m’intéressent, elle ouvrent toujours le champs des possibles. Bon les polaroids sont très pâles et c’est ce que je vais en faire qui m’intéresse, j’aurais certainement une place à leur donner.

YV : Pourquoi te tourner justement désormais vers ce film à développement instantané qu’est le polaroid  ?

GC : J’aime la pratique amateur. Alors c’est d’abord la joie d’essayer. J’ adore le côté facile et les caméras-jouet en plastique. J’ai commencé avec un appareil Lomo trouvé aux puces à Budapest. C’est comme ça que j’ai aimé le côté aléatoire. Et commercialement ça a été repris et fondé par la marque Lomo avec tout un panel de caméras jouets…

Le rendu aléatoire de l’argentique et de toutes caméras en plastique donne visuellement un rendu que j’associe à un espace mental humain : la mémoire inexacte, le souvenir estompé, la visibilité floue sur le sujet comme une recherche permanente de faire la lumière sur les choses. Il ne s’agit pas d’être exacte et précis mais d’être efficace sur l’expression des émotions et des sentiments. Par exemple mes polaroids faits à Montmartre montrent une atmosphère enfantine et douce de tous les graffitis et peintures murales de rues. Comme un jeu de piste et de cache-cache avec les objets dessinés sur les murs. Les surprises au coin d’une rue. (Et en hors champs un super cappuccino dans un super café découvert). Parce que sortir faire de la photo de rue fait partie d’un amusement et fait l’objet de découvertes et de rencontres. Une sorte de voyage à réinventer sans cesse.

Il y a aussi la musique punk et tout le côté autonomie, apprendre par soi-même et s’éduquer se cultiver soi-même. Les principes d’anarchie de Paul Valéry forment un texte formulant au plus près mes croyances.

Pas de résultats sans erreurs. Pas d’apprentissage sans erreurs. Voilà pourquoi je m’évertue à aller à contre-courant.

YV : Pour moi le blog artistique, ne coûtant rien, si facile à pratiquer et à diffuser, est le pendant électronique actuel aux fanzines cher aux punks des années 1970, et toute une presse photographique alternative émergente alors en France avec Contrejour de Claude Nori qui deviendra plus tard une maison d’éditions, aux États-Unis avec Shots de Daniel Price… Pourquoi pratiquer l’autoportrait dans certaines séquences  ?

GC : Je l’inclût avec le fait de dire « je » et l’instant présent. Ça me permet de me présenter au public aussi.

YV  : Tes photos sont en général réalisées sinon avec ton smartphone ? En est-il de même de tes vidéos ?

GC : Oui j’utilise mon smartphone pour les photos et les vidéos. J’utilise aussi le « bloggie » de Sony un appareil de poche permettant de faire les photos et les vidéos très facilement et de les publier directement sur mon blog ou les réseaux sociaux. J’en ai deux, ça fait très « gadget  ». L’un a un objectif caméra pivotant  ; je m’amusais avec à filmer le ciel, les arbres, et après la rue. Il y a la fonction film et la fonction photo. Avec la prise USB dont l’appareil est équipé tu mets directement tes images dans l’ordinateur. « Bloggie  » désigne les gens qui font des blogs comme moi, cela a été imaginé pour leur faciliter la tâche, qu’ils puissent publier directement leurs photos et leurs vidéos sur internet. L’appareil se recharge aussi avec la prise USB. Je l’utilise pour des raisons pratiques, dans la rue je n’aime pas avoir un appareil-photo qui se voit, par souci de discrétion, j’ai toujours aussi un peu peur de me le faire voler…

YV : Il vaut mieux être discret pour photographier les gens dans la rue à Paris, ils sont souvent agressifs, contrairement par exemple à Bruxelles. J’ai parfois eu aussi des problèmes avec la police qui a tendance à considérer que l’espace public est forcément un espace privé, et n’aimant pas être contredite, manque aussi par ailleurs cruellement d’humour…

GC : Récemment je filmais et photographiais justement place de la Concorde à Paris à côté de l’Ambassade des États-Unis, on est venu aussitôt me dire d’arrêter. Je lui ai montré la photo et je les effacée sous ses yeux. Je photographiais pourtant juste les arbres, on ne voyait rien de l’ambassade américaine. Parfois je joue un peu à l’innocente, mais je n’arrive pas à travailler bien et dans le plaisir quand c’est tout le temps comme cela.

YV : Je crois que le montage est important pour toi  ?

GC : Je considère qu’un travail abouti passe par le montage avant d’être montré/publié. Je fais toujours une suite d’image en travaillant l’association d’image et pour les vidéos il y a toujours un travail de montage images/sons.

YV : Tu m’as dis que pour exposer tes images tu avais recours à un dispositif très particulier  ?

GC  :  Les images étaient de plusieurs natures, il y avait des vidéos, des séquences d’images fixes, photographiques que j’ai re-scanné et imprimé sur papier Canson parce que je voulais traduire l’expérience de spectatrice. Je voulais qu’il y ait un jeu de miroir entre celui qui est devant et celui qui est derrière la caméra. Je trouvais que c’était un bon jeu à mettre en place dans l’exposition. Ne pas présenter les images sous forme de séries mais d’éléments qui se répondent dans l’espace à l’aide de projetions vidéos sur le mur mais aussi de projections derrière des écrans de calques que j’avais suspendus avec du fil de pêche. Obtenir des images flottantes un peu fantomatiques, dématérialisées et évoquant un espace mental confrontées à des images imprimées sur un support opaque à la texture prononcée qui rappellent le monde du livre, de la page.

L’expérience du laboratoire photographique m’intéresse  : ce qui me fascine, c’est de voir les choses se révéler comme si un souvenir me revenait en tête. C’est ce que j’ai tenté de faire ressentir dans mes projections.

Pour moi, même une peinture, c’est une « image  », on ne peut pas s’empêcher de projeter une part de sa personne, de son histoire.

YV  : L’image latente en photographie a souvent été comparée à l’image du rêve ou du souvenir… Un processus de révélation en effet fascinant.

GC  : Oui c’est cela.

Après, je trouvais que le montage vidéo pouvait s’apparenter à l’association d’images. J’ai été en analyse pour des raisons personnelles mais cela m’a permis aussi d’élargir des horizons par rapport à ma pratique artistique. Je veux rester dans le domaine du mental et l’histoire de la personne, on ne peut pas dissocier la dissocier de l’image, c’est pour cela que je ne crois pas trop au documentaire.

YV : Un genre très intéressant est justement celui du « documentaire autobiographique  »…

GC  : C’est pour cela que je te parlais de Johan Van der Keuken ou d’Alain Cavalier, au bout d’un moment ils en viennent à parler d’eux. Tenir une caméra oblige forcément à parler de soi. Nous ne sommes pas que des machines à enregistrer.

YV  : Ce n’est jamais neutre  ! Il y a forcément une part de subjectivité.

GC  : En effet ce n’est jamais neutre. Ce qui est magique avec une caméra c’est que quand l’on commence à l’utiliser, sans que l’on s’en rende compte, elle parle de nous. Cadrer c’est dire « Je  », laisser hors champ des choses est un choix personnel. Ce n’est jamais le fait du hasard. Si tu regardes bien par exemple les photographies des Becher, a priori très neutres, il y a un point de vue.

YV : D’ailleurs contrairement à ce que l’on croit souvent le cadrage n’est pas toujours parfaitement frontal. C’est encore plus vrai avec les photos d’architecture de Walker Evans.

Quels sont les cinéastes qui t’ont influencée  ?

GC : Je me suis beaucoup intéressée au cinéma underground américain, dont Jonas Mekas, ainsi que, pas très médiatisé, Jack Smith, un cinéaste performeur underground des années 1960 et 1970 et son « flaming creatures » (Jack et l’Atlantide est le titre d’un documentaire qui lui est consacré) qui a beaucoup influencé Andy Warhol pour faire du cinéma par la suite. Ce serait Smith qui lui aurait montré comment tenir une caméra. Il aimait les déguisements et avait beaucoup de copains et de copines. C’est un précurseur de ce que Warhol pouvait faire avec Paul Morissey. C’était un homme très pauvre qui a fini dans la misère la plus totale. Un soir où il n’y avait personne pour voir son spectacle, il l’a joué tout seul chez lui, pendant une heure. J’aime aussi Maya Deren et les frères Kuchar.

YV  : Le photographe Dieter Appelt a réalisé son autoportrait pendant plusieurs heures se levant parfois pour se dégourdir les jambes, prendre un café ou un verre d’eau, se rasseyant. D’où un fort tremblé, qui introduit un flux quasi cinématographique dans l’image fixe…

GC : Quand j’ai commencé à faire de la photo argentique, j’ai commencé avec le 35 mm, j’ai eu tout de suite le sentiment que le cinéma entrait en jeu, à cause de la pellicule peut-être. Puis quand j’ai utilisé un appareil numérique, j’ai vu que l’on pouvait faire facilement des séquences. Pour moi, la photographie et le cinéma sont indissociables. Un dialogue entre les deux médiums a toujours eu lieu. Lorsqu’on regarde les premiers films des Frères Lumière, l’on est content que la photo s’anime un peu  ! Dans les débuts du cinéma, d’un côté il y a le cinéma documentaire « de plein air  », et de l’autre le cinéma de studio avec Georges Méliès.

J’aime Abbas Kiarostami et sa caméra tableau. Le dernier plan de Au travers les oliviers (1994) montre un mouvement à peine perceptible sur un paysage et ce sont deux acteurs qui s’éloignent dans le paysage. Le spectateur se retrouve donc face à du temps présent et à scruter l’évolution d’un sujet dans une peinture. Dans la dernière séquence qui est très longue, la caméra est plantée et ne bouge pas. Il n’y a pas de mouvement  : tout est dans la poésie et la spiritualité.

On mélange les temps, le cinéma a su créer des mouvements de caméra pour exprimer des choses qui sont intéressantes et puis dans le cadre de la photo l’on n’a pas besoin de bouger forcément mais on a cet autre temps que moi j’associe tout de suite à de la méditation par exemple. Et c’est pour cela que j’y vois une image mentale, quelque chose d’introspectif, on va vers de l’être, mais l’être dans le temps présent.

YV : C’est que l’on nomme « la méditation de pleine conscience  » je crois  ?

GC  : Oui c’est ça.

YV : La question de la dimension « politique  » d’un travail m’intéresse beaucoup.

GC : Je ne pense pas avec mes appareils faire des choses qui aient une revendication politique, Je ne crois pas avoir le savoir-faire d’un reporter journaliste et être capable de faire des photos d’actualités mais je pense sincèrement que les vues urbaines que je fais ont une dimension politique parce que c’est ce qu’il y a sur place. Qu’on ne peut pas éviter une conscience et une lecture politique de l’image et ce pour n’importe quel paysage aujourd’hui. L’image est littéralement l’émergence d’une prise de conscience.

Propos recueillis à Paris 7e le 16 janvier 2021.

“J’ai continué à chercher des réponses et des compréhensions en lisant entre autres le livre de l’écrivain Pierre E. MOUKOKO:

RELATIONS AFRIQUE-FRANCE: les gâchis français

Plaidoyer pour un changement de paradigme dans la politique africaine de la France.

Livre actuellement retravaillé par l’auteur pour une réédition enrichie et réactualisée avec SINOPE ÉDITIONS et qui sera préfacé par Maître Bakary Diallo, avocat au barreau de Paris.

            Il est clair qu’à la lecture du livre de Pierre Moukoko « Relations Afrique France : les gâchis français, Plaidoyer pour un changement de paradigme dans la politique africaine de la France  », en tant que française n’ayant jamais été en Afrique et de culture occidentale, on se doute des injustices faites depuis des siècles aux Africains.

Si on est honnête, oui on le sait. On l’a en conscience.

L’esclavage est à peine abordé dans les manuels scolaires à l’école, (les camps de concentration le sont beaucoup plus) et la politique à sens unique depuis Jacques Foccart encore moins. J’avoue ne pas m’être penchée sur la question non plus pendant des années car les sujets de mes conversations et mes préoccupations étaient aussi de l’ordre de ma survie et de mon mal être personnel à apaiser. On ne vit pas forcément bien en France même quand on est autochtone.

Je suis née au Havre. Dans mon quartier, nous cohabitions entre Marocains, Tunisiens, Algériens, Sénégalais et Français autochtones. J’ai grandis avec cette diversité et encore aujourd’hui je ne conçois pas ma vie sans cette cohabitation, sans les Africains. Elle m’a aidé à me construire et à vivre mon sentiment de différence avec même beaucoup de bonheur. La culture, les langues, les odeurs de cuisine et les autres façons de vivre de faire de s’exprimer sont devenues primordiales pour cultiver un esprit ouvert au monde. Je ne conçois pas ma vie sans, mais le dialogue de partage est parfois compliqué voir même impossible pour les plus en colère.

Les dialogues avec mes camarades de classe restaient très succincts. Pas par manque d’enthousiasme mais par sentiment inconscient qu’il fallait rester séparés, chacun de son côté.

Il est donc clair qu’en lisant l’ouvrage admirable de Pierre Moukoko et aujourd’hui avec les manifestations de plus en plus exprimées du droit au respect et à la dignité, que l’éducation enseignée en France reste imprégnée de ce passé colonialiste et ce sentiment de supériorité arrogant et infondé parfois encore à l’état inconscient. Qu’aujourd’hui encore, un Africain est considéré comme inférieur comme si c’était dans la nature et surtout quelqu’un « à problèmes ». Je me considère de la génération « touche pas à mon pote » d’Harlem Désir car cette campagne a été ma première prise de conscience.

Pourquoi ce livre a autant d’impact sur moi ?

Parce qu’il me donne les éléments de compréhension à une colère de plus en plus présente et légitime. Oui, il fallait bien s’attendre à un retour.

Cette même attitude arrogante, brutale et humiliante que j’ai reçue dans mon éducation par mes parents, et devant laquelle je devais faire profil bas parfois à l’école, se confirme aussi en Afrique. Oui, l’histoire individuelle et personnelle interagit avec l’Histoire de la communauté humaine. Il y aura toujours du politique dans son histoire individuelle et dans son quotidien.

S’il y a les gilets jaunes, la manifestation de personnel soignant et une demande de justice pour Adama Traoré en même temps, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est que la France se complait à traiter ses citoyens Français et Africains francophones comme des gamins. Avec évidemment plus de brutalité et d’injustice pour les Africains car avec eux bien sûr, les autorités pensent se permettre d’avoir le « geste large ».

C’était devenu compliqué pour ma part de faire avec de la brutalité à la maison, du mépris à l’école car j’étais considérée comme élève moyenne voir parfois irrécupérable. Je n’ai donc jamais oublié les rires, l’insouciance et parfois la complicité que je pouvais avoir avec mes camarades de classe face à un jugement sentencieux nous disant que nous étions sans avenir.

Je suis donc partie en Europe de l’Est, faire des études en Anglais. La première personne à qui je suis allée parler le plus naturellement du monde était une étudiante Seychelloise. Elle représentait un repère. On se promenait dans la ville de Budapest, et arrivées au contrôle de titres de transport dans le métro, il arrivait que je me dispute avec les contrôleurs, indignée, de cette suspicion systématique dont mon amie écopait.

Je n’ai pas eu non plus de traitement de faveur de la part de l’administration hongroise quand j’ai dû faire mon permis de séjour pour étudier. C’était avant que la Hongrie rejoigne l’Union Européenne. J’ai donc fait la queue à 08h00 du matin dans un commissariat de quartier avec les Chinois et j’ai eu droit au même geste méprisant d’une employée ne parlant pas un mot d’anglais et me glissant avec nonchalance sans mot dire la liste des pièce justificatives à fournir écrite en hongrois. Bon…

Le retour en France a été de constater l’ignorance sans complexe parfois rencontrée dans le cadre de la poursuite de mes études. De me retrouver face à des personnes ne voulant pas admettre leur inculture. Je pensais beaucoup à ma grand-mère revenue de camps de concentration en Allemagne et se confrontant au déni. On ne voulait pas savoir l’horreur non plus.

Et bien quand on me parle de brutalité, de dignité humaine plus que bafouée et rouée de coups jusqu’à la mort, je l’entend dans toute ma chair. La légitimité, la dignité humaine et l’avancée de la conscience ne peuvent se faire sans les changements politiques nécessaires permettant un bien vivre et bien être ensemble. L’économie sert au bien-être, non à dorer un blason et entretenir les apparences pour les privilèges d’une minorité. Tout ça se sent au quotidien plus que jamais. Les Africains sont l’exemple à suivre pour les Français. Il s’agit d’un dialogue humain basé sur le respect mutuel. C’est encore une fois à redire et se sera à redire inlassablement jusqu’à obtention.

«(…) Ici, il me semble que les Blancs doivent apporter une dimension nouvelle en politique, c’est la délicatesse du cœur. Qu’on fasse très attention, il n’est pas question de sentimentalisme, mais d’une délicatesse dans les rapports avec des hommes qui n’ont pas les mêmes droits que nous.(…) »

« (…)Il est bien vrai que les Noirs et les Blancs ont à combler un fossé de mépris de 400 ans et d’une histoire falsifiée. Une prétendue supériorité était du côté des Blancs, mais les Blancs ne se doutaient pas qu’ils étaient observés, en silence il est vrai, mais d’autant mieux observés. Aujourd’hui, les Noirs ont tiré de cette observation silencieuse une connaissance profonde des Blancs, et le contraire n’est pas vrai. Cela, les radicaux répètent que tout le monde le sait, mais comme personne n’en tient compte, cela revient donc à dire que tout le monde agit en mentant. C’est donc au Blancs d’entreprendre la compréhension des Noirs, et, je le répète, cela ne peut se faire que dans la délicatesse des rapports, quand les Blancs et les Noirs décident en commun une action politique – révolutionnaires.(…) »

« (…) Jusqu’à présent, les Noirs ne trouvaient chez les Blancs que deux moyens d’expression : la domination brutale, ou le paternalisme distant, et un peu méprisant. Il faut chercher une autre voie. Celle que j’ai indiqué en est une. (…)»

« (…) Ce que l’on nomme la civilisation américaine disparaîtra. Elle est déjà morte car elle est fondée sur le mépris. Par exemple, le mépris des Blancs pour les Noirs, etc. Toute civilisation fondée sur le mépris doit nécessairement disparaître. Et je ne parle pas du mépris en termes de morale, mais en termes de fonction : je veux dire que le mépris, comme institution, contient son propre dissolvant, et le dissolvant de ce qu’il engendre.(…) »

Ces trois extraits de « May Day Speech » de Jean Genet ne sont-ils pas encore d’actualité ? La situation aux Etats-Unis et la politique Française en Afrique n’ont-elles pas ce même point commun : le mépris de l’homme Africain ? Et même si ce texte date du 1er mai 1970, n’est-il toujours pas d’actualité ? Ne peut-on pas voir enfin « Blanc » et « Noir » comme les diversités de notre monde ?

Ce qui est sûr c’est que l’Indépendance de tous les pays Africains francophones doit être revue, et réellement faite et que tous les privilèges de la France : Franc CFA, achat de matière première au prix juste et sans exclusivité, retrait des militaires français et de fricotage/arrangement avec les véreux locaux, effacement de soi-disant dettes (n’a-t-on pas nous cette dette de l’esclavage ?) donnerait ce réel bien-être au quotidien. Que les  Africains souhaitant venir en France ait un accueil digne et à la hauteur de leur considération pour la culture française : culture devant rester secondaire et complémentaire de leur belle culture Africaine. Quand enseignera-t-on les langues africaines et le créole en France ? Pourquoi ne le fait-on pas ? Cela tomberait sous le sens de se donner ce réel échange culturel et davantage de force, non ?

Et ma dernière interrogation : jusqu’à quand la mauvaise politique et le déni vont s’inviter dans l’intimité d’un couple pour mieux y installer la discorde ?

Je pose ça là avec mes lacunes et mes expériences personnelles car ce qui compte au fond est de rester dans ce perpétuel dialogue, cette perpétuelle envie d’apprendre de l’autre et cette liberté de pouvoir s’aimer sans que ce passé vienne gâcher cette énergie qui ne demande qu’à sortir.

Gaël Cadiou
Le 22 janvier 2021

Ce sujet est devenu propice à plusieurs rencontres et a fait l’objet de quelques apparitions sur les plateaux TV

Pour la chaîne JMTV + (en tant qu’invitée)



Pour la chaîne VOX AFRICA (en tant qu’invitée)

En tant que chroniqueuse bénévole

Invité Antoine Glaser, apparition en fin de la troisième partie





Interview en tant que chroniqueuse de l’écrivain Charles Cédric Tsimi pour la parution de son premier roman “Clandestinement vôtre” publié par Lattès

Expo Paris Life Oregon -1
"A Paris Life" exposé en Oregon, USA
 A Paris Life en Oregon USA 1
A Paris Life in Oregon USA / A Paris Life en Oregon USA

Installation d'images

(images imprimées et séquences vidéos), 2006

Images installation

(printed images and video sequences), 2006

Projet d’installation, Juin, 2006, Galerie de l’EESAB (Ecole Européenne Supérieure d’Art de Bretagne, site Lorient)

On ne parle jamais des épines de la rose
La communauté des images
A Paris Life : falling in love 1
A paris life : falling in love
A Paris Life : Jardin des plantes
A Paris Life : Jardin des plantes
A Paris Life : Place Vendôme 1
A Paris Life : Place Vendôme
A Paris Life : Une vie parisienne 1
A Paris Life / Une Vie Parisienne
A Paris Life : Rue Jacob
A Paris Life : Rue Jacob
A Paris Life : Place Dauphine 1
A Paris Life : Place Dauphine